Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/399

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J’étais un enfant assez faible et, pendant mes deux premières années, j’ai souffert de ce qu’on appelle des arthrites ; c’est probablement à la suite de cette maladie que mon don d’assimilation et ma mémoire se sont affaiblis ; car j’apprends difficilement les choses qui ne m’intéressent pas, et j’oublie facilement ce que j’ai appris. Je voudrais encore faire mention du fait que, avant ma naissance, ma mère fut en proie à de vives émotions morales, et qu’elle eut souvent des frayeurs. Depuis l’âge de trois ans, je suis très bien portant et jusqu’ici j’ai été épargné par les maladies graves. Entre l’âge de douze et de seize ans, j’eus parfois des sensations nerveuses étranges que je ne puis pas décrire et qui se faisaient sentir dans la tête et sur le bout des doigts. Il me semblait alors que tout mon être voulait se dissoudre. Mais, depuis de longues années, ces accès ne se sont plus renouvelés. Du reste, je suis un homme assez vigoureux, avec une chevelure touffue, et d’un caractère tout à fait viril.

À l’âge de six ans, je suis arrivé tout seul à pratiquer l’onanisme auquel malheureusement je fus très adonné jusqu’à l’âge de dix-neuf ans. Faute de mieux, j’y ai recours encore assez souvent, bien que je reconnaisse le caractère répréhensible de cette passion et que je m’en sente toujours affaibli, tandis que le rapport sexuel avec un homme, loin de me fatiguer, me donne au contraire le sentiment d’avoir retrempé mes forces. À l’âge de sept ans, je commençai à aller à l’école et bientôt j’éprouvai une vive sympathie pour certains de mes camarades, ce qui d’ailleurs ne me paraissait nullement étrange. Au lycée, quand j’eus quatorze ans, mes condisciples m’ont éclairé sur la vie sexuelle des hommes, chose que j’ignorais absolument ; mais leurs explications n’ont pu m’inspirer aucun intérêt. À cette époque je pratiquais avec deux ou trois amis l’onanisme mutuel auquel ceux-ci m’avaient incité et qui avait un charme immense pour moi. Je n’avais toujours pas conscience de la perversité de mon instinct génital ; je croyais que mes fautes n’étaient que des péchés de jeunesse, comme en commettent tous les garçons de mon âge. Je pensais que l’intérêt pour le sexe féminin se manifesterait quand l’heure serait venue. Ainsi j’atteignis l’âge de dix-neuf ans. Pendant les années suivantes, je fus amoureux fou d’un très bel artiste dramatique, ensuite d’un employé d’une banque et d’un de mes amis, deux jeunes gens qui étaient loin d’être beaux et de porter sur les sens. Cet amour était purement platonique et m’entraînait parfois à faire des poésies enflammées. Ce fut