Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/401

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voilà pourquoi je me comporte assez passivement pendant l’acte sexuel. En général, toutes mes sensations et tous mes sentiments sont féminins ; je suis vaniteux, coquet, j’aime les chiffons, je cherche à plaire, j’aime à me bien habiller, et, dans les cas où je veux particulièrement plaire, j’ai recours aux artifices de toilette pour lesquels je suis assez bien expérimenté.

Je m’intéresse très peu à la politique, mais je n’en suis que plus passionné pour la musique ; je suis un partisan enthousiaste de Richard Wagner, prédilection que j’ai remarquée chez la plupart des uranistes. Je trouve que c’est précisément cette musique qui correspond le mieux à notre caractère. Je joue assez bien du violon, j’aime la lecture et je lis beaucoup, mais je n’ai que peu d’intérêt pour les autres sujets ; de même tout le reste dans la vie m’est assez indifférent, par suite de la sourde résignation qui m’envahit de plus en plus.

Bien que j’aie tout sujet d’être content de la destinée, ayant comme technicien une position assurée dans une grande ville d’Allemagne, je n’aime pas mon métier. Ce que j’aimerais le mieux, ce serait d’être libre et indépendant, de pouvoir, en compagnie de l’être aimé, faire de beaux voyages, consacrer mes loisirs à la musique et à la littérature, surtout au théâtre qui me paraît comme un des plus grands plaisirs. Être l’intendant d’un théâtre de la Cour, voilà une position que je trouverais acceptable.

La seule position sociale ou vocation qui me paraisse vraiment désirable, est celle de grand artiste, soit chanteur, soit acteur, soit peintre ou sculpteur. Il me semblerait encore plus beau d’être né sur un trône royal ; ce désir répond à mon envie très prononcée de régner. – (S’il y a vraiment une métempsychose, question dont je m’occupe beaucoup et théorie qui me paraît très probable, je dois avoir déjà vécu une fois comme imperator ou comme souverain quelconque). – Mais il faut être né pour tout cela, et comme je ne le suis pas, je n’ai pas d’ambition pour les soi-disant honneurs et distinctions de la société.

En ce qui concerne les tendances de mon goût, je dois constater qu’il y a là une certaine scission. De beaux jeunes gens de talent et qui ont au moins vingt ans, qui se trouvent au même niveau social que moi, me paraissent plutôt créés pour un amour platonique, et je me contente, dans ce cas, d’une amitié très sincère et très idéale qui rarement dépasse les bornes de quelques accolades. Mais sensuellement je ne saurais être excité que par des hommes plus rudes et plus robustes qui ont au moins mon âge,