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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/414

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baisers, et ensuite vient le tour des parties génitales pour voir si elles sont bien développées. G… parle avec une grande suffisance de ses ouvrages poétiques, et il fait valoir que les gens de son acabit sont tous des hommes doués de beaucoup de talent. Il cite à l’appui de sa thèses comme exemples : Voltaire, Frédéric le Grand, Eugène de Savoie, Platon, qui, selon lui, étaient tous des « uranistes ». Son plus grand plaisir est d’avoir un jeune homme qui lui soit sympathique et qui lui fasse la lecture de ses vers (les vers de G…). L’été dernier, il a eu un amant de ce genre. Lorsqu’il dut se séparer de lui, il s’abandonna au désespoir ; il ne mangeait plus, ne dormait plus et ne put que peu à peu se ressaisir. L’amour des uranistes est profond et extatique. À Naples, raconte-il, il y a un quartier où les effeminelli vivent en ménage avec leurs amants, de même qu’à Paris les grisettes. Ils se sacrifient pour leur amant, entretiennent son ménage, tout comme les grisettes. Par contre, il y a répulsion entre uraniste et uraniste, tout comme « entre deux putains ; c’est une question de boutique ».

G… éprouve une fois par semaine le besoin d’avoir des rapports sexuels avec un homme. Il se sent heureux de son étrange sentiment sexuel qu’il considère comme anormal, mais non comme morbide ni comme illégitime. Il est d’avis qu’il ne reste à lui et à ses compagnons qu’un parti à prendre, c’est d’élever au niveau du surnaturel le phénomène contre-nature qui est en eux. Il voit dans l’amour uraniste comme un amour plus élevé, idéalisé, divinisé et abstrait. Quand nous lui objectons qu’un pareil amour est contraire aux buts de la nature et à la conservation de la race, il répond d’un air pessimiste que le monde doit mourir et la terre continuer à tourner autour de son axe sans les hommes qui n’existent que pour leur propre supplice. Afin de donner une raison et une explication de son sentiment sexuel anormal, G… prend Platon comme point de départ, Platon, dit-il, « qui certes n’était pas un cochon ». Déjà Platon a formulé la thèse allégorique que les hommes étaient autrefois des boules. Les dieux les avaient coupées en deux disques. Dans la plupart des cas l’homme se compasse sur la femme, mais quelquefois aussi l’homme sur l’homme. Alors le pouvoir de l’instinct de l’union est aussi puissant, et tous deux se rafraîchissent par devant. G… raconte ensuite que ses rêves, quand ils étaient érotiques, n’ont jamais eu pour sujet des femmes, mais toujours des hommes. L’amour pour l’homme est le seul genre qui puisse le satisfaire.