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onzième runo

dire que je suis venu ici, et que j’ai enlevé la belle vierge !

« S’il vous arrivait de le raconter, un grand malheur fondrait sur vous. Je provoquerais vos fiancés au combat, je précipiterais les jeunes hommes sous les coups du glaive ; et je les ensorcellerais de telle sorte que vous ne les verriez, que vous ne les entendriez plus, ni durant les jours, ni durant les mois de cette vie terrestre, se promener sur ces routes fleuries, fouler aux pieds ces bois défrichés par le feu. »

Kylliki versa des larmes amères, la fleur de Saari se lamenta : « Laisse-moi partir ; rends l’enfant à la liberté, afin qu’elle retourne dans sa demeure, auprès de sa mère désolée.

« Si tu t’obstines à me retenir, si tu ne me permets point de retourner dans ma demeure, sache que j’ai encore cinq de mes frères, sept des fils de mon oncle, tout prêts à suivre la piste du lièvre et à disputer au ravisseur la tête de la jeune fille. »

Mais, Lemmikäinen ne laissa point partir la belle Kylliki. Alors, elle recommença à pleurer, et elle dit : « C’est donc en vain que je suis née, pauvre malheureuse, c’est donc en vain que j’ai grandi et que j’ai vécu, puisque me voilà, maintenant, tombée entre les mains d’un vaniteux, d’un homme de rien, d’un batailleur éternel. »

Le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli, dit : « Ô Kylliki, perle de mon cœur, douce et chère amie, cesse de t’affliger. Je ne veux point te faire de mal. Tu t’appuieras sur mon sein quand je mangerai, sur mon bras quand je marcherai ; tu te tiendras à mes côtés quand je m’arrêterai ; et quand je dormirai, tu seras la compagne de ma couche.

« Pourquoi soupires-tu ainsi, ma bien-aimée, pourquoi te lamentes-tu si tristement ? Craindrais-tu, en venant dans ma maison, de ne pas y trouver de vaches ou d’y manquer de pain, et d’y souffrir de la famine ?

« Chasse loin de toi tout souci ! Je suis riche en vache