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vingt-quatrième runo

beuglera, impatiente, sur le fumier de l’enclos, sur le champ durci par l’hiver ; elle reconnaîtra, sans doute, en moi la fille de la maison.

« Le beau cheval de mon père que j’ai nourri de ma main, tandis que j’étais jeune fille, que j’ai si bien pansé tandis qu’il n’était encore qu’un faible poulain, le cheval de mon père piaffera, impatient, sur le fumier de l’enclos, sur le champ durci par l’hiver ; il reconnaîtra, sans doute, en moi la fille de la maison.

« Le chien vigilant de mon frère auquel j’ai donné à manger tandis que j’étais jeune fille, auquel j’ai donné des leçons tandis qu’il était encore tout petit, le chien de mon frère aboiera avec éclat sur le fumier de l’enclos, sur le champ durci par l’hiver ; il reconnaîtra, sans doute, en moi la fille de la maison.

« Quant aux autres, ils ne me reconnaîtront, peut-être, pas lorsque je reviendrai, bien que l’endroit où je débarquais, bien que ma première demeure et mon golfe riche en poisson, le golfe où je tendais mes filets n’aient point changé de place.

« Adieu donc, ô pirrti[1], avec ton toit de sapin ! Il sera doux de te revoir un jour, de te visiter une autre fois.

« Adieu, ô vestibule avec ton plancher de bois ! Il sera doux de te revoir un jour, de te visiter une autre fois.

« Adieu, ô cour de l’enclos, avec tes sorbiers ! Il sera doux de te revoir un jour, de te visiter une autre fois.

« Adieu, ô vous tous, lieux chéris que je quitte ! Adieu, champs ; adieu, bois avec vos baies sauvages ; bruyères avec vos tiges fleuries, lacs avec vos cent îles, golfe profond avec tes poissons, belles collines avec vos fleurs, vallées solitaires avec vos bouleaux ! »

Le forgeron Ilmarinen prit la jeune fille et la fit asseoir dans son traîneau ; puis il frappa son cheval de son fouet,

  1. Voir page 28, note 2.