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troisième runo

Ainsi, le jeune Joukahainen partit, sans écouter les conseils. Il prit son cheval aux naseaux flamboyants, aux jarrets de feu, et il l’attela à son traîneau d’or[1], à son traîneau de fête. Puis il s’y plaça, fit claquer son fouet orné de perles et s’élança dans l’espace.

Il marcha avec un fracas de tempête ; il marcha un jour, il marcha deux jours. Le troisième jour, il arriva dans les bois de Wäinölä, dans les landes de Kalevala.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen cheminait lentement sur la route.

Bientôt, le jeune Joukahainen se trouva de front avec lui. Les traîneaux se heurtèrent, les harnais s’embrouillèrent, les colliers s’enchevêtrèrent, les coursiers fumants s’arrêtèrent.

Alors, le vieux Wäinämöinen dit : « De quelle race es-tu donc, toi qui viens si follement sur ma route, toi qui viens mettre en pièces mon traîneau, mon beau traîneau de fête ? »

Le jeune Joukahainen répondit : « Je suis le jeune Joukahainen. Mais toi, d’où sors-tu ? Quelle est ta famille ? Quels sont tes ancêtres, misérable ? »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Si tu es le jeune Joukahainen, retire-toi un peu de mon chemin, car tu es moins ancien que moi[2]. »

Le jeune Joukahainen dit : « Il ne s’agit ici ni de jeunesse ni de vieillesse. Que celui qui est le plus grand en sagesse, le plus puissant en souvenirs marche en avant, et que l’autre lui cède le pas ! S’il est vrai que tu sois le vieux Wäinämöinen, le runoia éternel, commençons à chanter. Que l’homme fasse la leçon à l’homme, que l’un de nous triomphe de l’autre ! »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Que pourrais-je bien valoir comme sage, comme runoia, moi

  1. V. page 3, note 4, et page 15, note 1.
  2. Le respect de la vieillesse était autrefois chez les Finnois, comme il l’est encore aujourd’hui, un dogme national.