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INTRODUCTION


par la guerre et les razzias ; au-dessous, une nation déjà compacte, amalgame de races étrangères à l’Inde, sorties d’un commun berceau dans les montagnes du Nord, entamée à peine par le brahmane, en passe de se convertir à un hindouisme bâtard, mais fidèle encore aux croyances, aux lois, aux pratiques du bouddhisme indien, que l’Inde avait déjà désavoué ; initiée par les moines et les savants à la langue littéraire de l’Inde aryenne, le sanscrit, mais attachée dans l’usage réel à des idiomes de souche tibétaine ; éprise des arts de la paix, de la culture, des pompes et des fêtes religieuses, mais indocile et remuante par goût d’indépendance autant que par frivolité. La main de fer du Gourkha comprima toutes les résistances ; le nouveau maître n’eut pas à réprimer une seule révolte. Des exemples formidables enseignèrent aux vaincus, d’un bout à l’autre du royaume, les lois fondamentales du régime gourkha : dans l’ordre politique, l’obéissance servile au Gourkha, détenteur unique du pouvoir ; dans l’ordre social, le respect de la vache et du brahmane, créatures sacrées et intangibles. Les rudes pasteurs des alpes qui menaient à coup de fouet leur bétail, et les Névars de la vallée qui aimaient à se régaler de viande succulente, apprirent à honorer le symbole de l’orthodoxie triomphante. Le bouddhisme, suspect à deux titres, comme doctrine d’hérésie et comme église nationale des Névars, perdit son influence et ses privilèges ; les couvents, les temples se virent dépossédés de leurs biens, privés des donations accumulées qui servaient à leur entretien ; appauvris, négligés, ils tombèrent en décadence ; les pandits bouddhistes, réduits à vivre des aumônes d’une communauté réduite, cessèrent de recruter et de former des élèves. Les faveurs publiques, réservées aux fidèles de l’hindouisme, amenèrent aux dieux brahmaniques des croyants que la prédication n’aurait pas suffi à convertir. La langue des Névars, et ses congénères