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INTRODUCTION

le jour, il en développait la bonne explication pour la multitude. » Ainsi la légende a, sans se modifier, changé de scène ; elle s’est transportée à Ayodhyâ, où l’appelait en quelque sorte par sympathie le souvenir vivace de Vasubandhu. L’entrevue décisive des deux maîtres, qui aboutit à la conversion de Vasubandhu, a subi le même transfert. « À environ quarante li au nord-ouest de la salle où enseignait Asaṅga, on arrive à un ancien couvent qui, au nord, est voisin du Gange (c’est-à-dire de la rivière ; il s’agit de la Sarayû). Dans l’intérieur, il y a un stûpa en briques qui a environ cent pieds de hauteur. Ce fut en cet endroit que dans l’origine Vasubandhu eut pour la première fois le désir d’embrasser la doctrine du Grand Véhicule. » Dans le récit de l’entrevue, l’orientation qu’indiquait Paramârtha est renversée : Vasubandhu arrive de l’Inde du Nord ; un disciple d’Asaṅga vient l’accueillir et récite à haute voix pendant la nuit le Daçabhûmi sûtra. C’est au moment où Vasubandhu repentant va se couper la langue qu’Asaṅga paraît. L’épisode se développe ensuite comme chez Paramârtha ; l’histoire était manifestement classique.

Pourtant, dans son ensemble, la tradition était en voie de s’altérer, et de s’enrichir. À Ayodhyâ, Vasubandhu ne passe plus pour le frère d’Asaṅga ; il n’est que son disciple. Asaṅga n’est plus à l’origine un Sarvâstivâdin ; il adhère d’abord à l’école des Mahîçâsakas. Enfin une curieuse légende accentue l’aspect d’Asaṅga comme visionnaire. Asaṅga, Vasubandhu, et un troisième docteur Buddhasiṃha, conviennent entre eux que le premier à mourir viendra instruire les survivants. Buddhasiṃha meurt d’abord, et ne revient pas. Trois ans après lui, Vasubandhu meurt à son tour (contrairement au récit de Paramârtha et à la vérité historique). Six mois se passent encore sans apparition, et déjà les railleries vont leur train. « Quelque temps après, comme Asaṅga enseignait à ses disciples la méthode du Samâdhi, au commencement de la nuit, tout à coup l’éclat des lampes s’amortit, le ciel s’éclaira d’une vive lumière, et un saint ṛṣi descendit du haut des airs. Aussitôt il monta les degrés et entra dans le vestibule ; puis il alla saluer respectueusement Asaṅga. Asaṅga lui dit : Pourquoi venez-vous si tard ? » Le fantôme, qui n’était autre que Vasubandhu, instruit Asaṅga de sa destinée posthume et de celle de Buddhasiṃha ; puis, pour satisfaire