Aller au contenu

Page:La Blondine ou avantures nocturnes entre les hommes et les femmes, 1762.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59

feſſes et les cuiſſes doivent étre graſſes, et fort fournies de graiſſe, les doigts et le nez maigres, ou tout au moins peu chargés matière, les cheveux fins, et la téte, les tétons et les piés petits. Il y en a, qui eſtiment les cheveux friſés naturellement et qui aiment celles dont le nez eſt aquilin ; chaque homme a ſon goût et c’eſt lui ſeul, qui nous ſert de raiſon, dans le choix que nous faiſons d’une fille ou d’une femme. Vous ſavez, mon amie, qu’on remarque entre autres choſes dans Lucrece la beauté de ſes feſſes elle les avoit blanches, fermes, bien élevées, enfin telles qu’il les falloit pour ſervir de couſſin à l’inclination, ou ſi vous voulez, d’enclume pour forger le genre humain ; autrefois, celles qui avoient de belles feſſes étoient fort eſtimées, ce ſeul avantage étoit capable de leur faire trouver des partis conſidérables, c’étoit ſouvent toute leur dot et l’on peut dire, que quand elles faiſoient voir leur derrière à leurs maris, elles leur montroient tout leur doüaire ; ils étoient plus raiſonnables ſur ce point là que nous, puisqu’ils priſoient plus la beauté que les richeſſes. Vous connoiſſez Ninaron, qui fut mariée il y a quelques jours à Monſieur Quinaut, elle eſt fort belle et d’une complexion delicate ; vous ſaurez que toutes ſes amies pleuroient de compaſſion cette fille la veille de ſes noces, Quinaut paſſe pour monſtre, quoique ſon membre ne ſoit que de ſix pouces de long, mais la groſſeur en eſt prodigieuſe ; elles avoient pitié de cette fille, parcequ’elles prévoïoient devoir étre dechirée et miſe en piéces, elles repréſentèrent à ſa Mère le peu de proportion qui étoit entre ce couple ; celle-ci conſulta Ninanil ſa ſœur, qui lui dit ſon ſentiment et en parla enſuite à Ninaron :