Aller au contenu

Page:La Revue hebdomadaire 1896 n 228-232.pdf/636

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En tête de l’autographe nous relevons ces lignes d’une autre écriture que l’autographe lui-même :

Venezio, 10 juglio 1834.

Pietro Pagello ad Antonietta Segato dona questo manuscritto di Giorgio Sand.

« Pietro Pagello a donné ce manuscrit de George Sand à Antonietta Segato. »


Voici maintenant la maîtresse page qu’il nous est permis de verser à l’histoire des Lettres :


« En Morée.

« Nés sous des cieux différents, nous n’avons ni les mêmes pensées ni le même langage ; avons-nous du moins des cœurs semblables ?

« Le tiède et brumeux climat d’où je viens m’a laissé des impressions douces et mélancoliques : le généreux soleil qui a bruni ton front, quelles passions t’a-t-il données ? Je sais aimer et souffrir, et toi, comment aimes-tu ?

« L’ardeur de tes regards, l’étreinte violente de tes bras, l’audace de tes désirs me tentent et me font peur. Je ne sais ni combattre ta passion ni la partager. Dans mon pays on n’aime pas ainsi ; je suis auprès de toi comme une pâle statue, je te regarde avec étonnement, avec désir, avec inquiétude.

« Je ne sais pas si tu m’aimes vraiment. Je ne le saurai jamais. Tu prononces à peine quelques mots dans ma langue, et je ne sais pas assez la tienne pour te faire des questions si subtiles. Peut-être est-il impossible que je me fasse comprendre quand même je connaîtrais à fond la langue que tu parles.