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CHAPITRE SIXIÈME

LA COCADRILLE.

On trouve quelquefois dans les poulaillers de petits œufs de la grosseur de ceux des merles et presque ronds. Ces œufs, qui n’ont jamais de jaune et qui sont produits par quelque poule malade ou trop jeune, passent, dans nos villages, pour avoir été pondus par de vieux coqs ; c’est pourquoi on les appelle œufs de jau[1], ou coquards. Nos paysans attribuent à ces coquards une foule de propriétés magiques et malfaisantes, et en cela ils sont d’accord avec les sorciers d’autrefois, qui recherchaient avidement ces sortes d’œufs, mais particulièrement ceux qui avaient été pondus dans le pays des infidèles, comme possédant une remarquable puissance évocatrice[2]. — Les magistrats de Bâle qui firent brûler publiquement, au moyen âge, un misérable coq atteint et convaincu d’avoir pondu un de ces œufs, savaient donc parfaitement ce qu’ils faisaient.

Les œufs dépourvus de coquille que la couleuvre dépose assez souvent dans les tas de fumier des fermes sont également réputés œufs de jau.

Or, c’est d’œufs semblables que sort la Cocadrille ou Coco-

  1. Jau pour coq. — Voy., pour l’étymologie, à la Table alphabétique des matières, les mots : Poule qui chante le jau.
  2. Ch. Louandre, la Sorcellerie, p. 43.