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Page:Lamairesse - L’Inde après le Bouddha.djvu/70

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jouir des plaisirs de la royauté, comment crois-tu que les religieux envisagent les tourments des lieux où l’on peut renaître ; les flammes de l’enfer, les terreurs et les déchirements des animaux qui s’entredévorent, les poignantes inquiétudes et les vains efforts des hommes sur la terre, la crainte qui assiège les dieux de perdre la félicité des sièges fortunés, ces cinq causes de misères qui enchaînent les trois mondes ? Les Religieux voient des bourreaux dans les attributs de l’existence, des brigands dans tous les objets, dans le corps une demeure incendiée.

Comment la délivrance n’appartiendrait-elle pas à ceux qui ne désirent qu’elle, qui se détournent de l’existence, et dont le cœur ne s’attache pas plus aux causes de plaisir que l’eau à la feuille du lothus ?

Vitaçoka, adhérant aux trois joyaux, demanda à son frère la permission de se faire religieux mendiant, et de se retirer à la campagne au-delà des frontières. Il y fut atteint de la lèpre et eut beaucoup de peine à s’en guérir.

En ce temps-là, dans la ville de Pundra, un habitant et un mendiant brahmanique brisèrent une statue de Bouddha. Le roi les fit mettre à mort ainsi que les habitants de Pundra au nombre de 18,000 en un seul jour.

Le même attentat contre la statue de Bouddha fut commis dans la capitale Pataliputra. Le roi fit brûler l’auteur du crime, ainsi que ses parents et amis, et, ne trouvant pas la punition suffisante, il mit à prix la tête des mendiants brahmaniques.

On voit que le Bouddhisme n’avait point adouci les supplices, ni supprimé les responsabilités injustes. La même barbarie se retrouve encore de nos jours en Chine et au Thibet.

Vitaçoka s’était retiré pour une nuit dans la cabane d’un pasteur. Comme il relevait de maladie, il n’avait pu prendre soin de sa personne ; le désordre de sa barbe, de ses cheveux, de ses vêtements, lui donnait l’aspect d’un mendiant brahmanique. Le pasteur s’y trompa et pour obtenir la récompense promise, il lui coupa la tête et l’apporta au roi qui, l’ayant reconnu, tomba évanoui. Lorsqu’il revint à lui ses ministres lui dirent ; « Tes ordres ont occasionné la mort d’un Sage exempt de passions, révoque-les donc et rends le repos au peuple. »