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de ce sentiment que naquit la querelle des textes. Selon le cas, les uns préféraient la version du Hauk’s Bok, les autres celle du Flatey Bok. À vrai dire, les arguments pour ou contre ces thèses étaient peu solides et tendaient selon l’humeur des écrivains à infirmer l’un des deux textes et dans l’ensemble à les infirmer tous les deux.

M. Fossum départagea les deux camps fort heureusement, en accordant une égale confiance aux deux textes et en expliquant les raisons possibles des différences. Nous y reviendrons dans l’étude du second groupe.

Les auteurs qui composent ce dernier groupe : Steensby, MM. Hovgaard et Fossum ont publié leurs ouvrages très récemment. Rompant dans une certaine mesure avec les traditions, ils ont mis le problème sur une base nouvelle et assez différente.

La querelle des textes n’existe pas pour eux, tout au moins pour les deux derniers. Ils considèrent que les deux sources sont d’égale valeur, qu’elles remontent à deux textes, reflets eux-mêmes de deux voyages différents. Dès lors, les fameuses contradictions disparaissent. Leif et Karlsefni ont suivi des itinéraires peu divergents, mais ne sont point allés au même endroit, leurs récits doivent donc différer. Fossum va même plus loin et il explique les contradictions qui subsistent encore après l’adoption de cette base en les attribuant en grande partie au désir que les Scaldes ou les scribes du xive siècle ont eu de plaire aux clans ou aux descendants des héros de l’aventure. Le clan de Leif a continué à vivre au Groenland, le clan de Karlsefni en Islande. Leurs descendants ont pu se disputer l’honneur des grands exploits et les Sagas portent simplement la trace de cette querelle, qui atteint plus le rôle individuel des héros que la valeur générale des faits en eux-mêmes.

Cette querelle a dû d’ailleurs commencer peu après les événements et les récits transmis oralement au début ont pu en porter la trace qui s’est perpétuée quand les Sagas furent mises par écrit. Comme par ailleurs, le Groenland disparut comme colonie scandinave assez prématurément et que les récits se perpétuèrent seulement en Islande, il est tout naturel de trouver même