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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/150

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[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

sants et généreux, venez à nous, et comblez-nous de vos dons. Secourez-nous, si vous aimez le fils d’Outchathiya[1], si vous voulez qu’on n’accuse pas votre puissance.

2. Eh ! qui voudrait vous prier, (dieux) protecteurs, si vous receviez, dans l’enceinte du sacrifice, nos adorations (en les laissant stériles) ? Rendez nos prières fécondes, vous qui êtes capables de remplir nos vœux.

3. S’il est vrai que votre char a présenté au fils de Tougra[2], au milieu de la mer, un terrain solide, je puis venir vers votre appui protecteur, comme un prince (vient) vers sa forteresse, dont les chemins lui sont ouverts.

4. Que l’hymne du fils d’Outchathya fasse son salut ! que je ne sois pas la pâture de ces deux êtres qui marchent toujours[3] ! que je n’aille pas me brûler au feu de ce foyer où sont jetées dix espèces d’offrandes[4], pendant que votre serviteur, les membres enchaînés, mange la terre[5] !

5. Que les Eaux, les meilleures des mères, ne viennent pas me submerger, pendant que (mes) serviteurs m’ont ainsi placé sur la terre, tout garrotté (par l’âge) ! Trêtana[6], pour me servir, a raffermi ma tête, mais frappé ma poitrine d’un de ses rayons.

6. Le vieux Dîrghatamas, entouré des siens dans la dixième dizaine de son âge[7], est encore votre prêtre ; il monte avec vous sur le char du sacrifice, et verse pour vous les libations.


HYMNE II.

Au Ciel et à la Terre, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Ciel et Terre, (dieux) grands et sages, que le sacrifice amplifie, je vous loue dans nos cérémonies, vous qui, distingués par vos œuvres, accordez vos brillantes faveurs aux dévas (terrestres), dont vous êtes les enfants[8].

2. Par ces offrandes, j’honore la bienfaisance d’un père et la force incomparable d’une mère. Ces deux aïeuls, fiers de leur heureuse fécondité, font et maintiennent l’immortalité de leur nombreuse progéniture.

3. Ces Dévas, renommés par leurs œuvres et chargés de libations[9], ont produit pour la prière du matin les deux grandes mères (d’Agni). Et vous, fidèles à votre devoir de soutenir tous les êtres, animés et inanimés, vous gardez la demeure de leur incomparable enfant.

4. Ces Dévas sages et intelligents ont formé les deux sœurs jumelles, sorties d’un même sein[10] et demeurant ensemble. Ce sont eux qui, habiles et éclairés, ont mesuré, dans l’espace céleste, cette étendue sans cesse nouvelle.

5. Au moment où naît Savitri, nous demandons aujourd’hui les présents d’élite que dispense ce dieu. Et vous, Ciel et Terre, soyez bienveillants pour nous et accordez-nous la richesse et des centaines de vaches.


HYMNE III.

Au Ciel et à la Terre, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Entre le Ciel et la Terre, auteurs de toute félicité, trésors de bonté, habiles à soutenir les mondes, (êtres) intelligents et bien nés, marche

  1. Outchathya était le père de Dîrghatamas.
  2. Un roi, fils de Tougra, vaincu et pris par ses ennemis, fut lié et jeté dans la mer. Il invoqua les Aswins, qui le soulevèrent sur leur char. Voy. page 109, col. 2, note 3 ; page 113, col. 2, note 4.
  3. Je suppose que ces deux êtres sont le jour et la nuit, représentés peut-être par les Aswins.
  4. Tout ce passage est d’une grande obscurité. Il semble qu’il contient des allusions à la vie particulière de Dîrghatamas, fils d’Outchathya, alors centenaire. Accablé d’infirmités, il craint d’être brûlé par le feu du sacrifice, ou submergé par les libations. Ce feu, ces libations peuvent être l’image de la chaleur ou du froid, dont le vieillard redoute l’influence. Il est même possible que le mot dasali, signifiant à la fois dix offrandes et dixième dizaine, soit une allusion à son âge. Le commentaire, suivant son usage, fait une histoire de Dîrghatamas, où il est sauvé du feu et de l’eau. Je me suis vu réduit à deviner.
  5. J’ai conservé fidèlement cette expression, que le commentaire explique par l’impossibilité de marcher. Gantoumasaktah : celui qui ne peut marcher, est dit manger la terre.
  6. Je suppose que ce personnage est le dieu Agni : je rapproche le mot Trêtana de Trita, un des noms portés par cette divinité, qui guérit la tête de Dîrghatamas et attaque sa poitrine. Le mot que j’ai rendu par rayon, peut aussi signifier jus du soma.
  7. Littéralement, dans son dixième youga.
  8. Les dévas terrestres, c’est-à-dire les rites personnifiés, ou les prêtres, par le sacrifice, ont donné naissance à Agni et au soleil, qui ont eux-mêmes enfanté, c’est-à-dire révélé par la lumière, le ciel et la terre. Le commentaire comprend que les prêtres aiment le ciel et la terre comme on aime un enfant.
  9. La suite des idées est, dans cet hymne, difficile à saisir, surtout à cause de l’équivoque de certains mots. Par exemple le mot soûmou peut signifier fils et homme faisant des libations. En adoptant le premier sens, les dévas, qui, dans le premier distique, sont les pères du ciel et de la terre, en seraient ici les enfants.
  10. Les deux pièces de l’aranî sont de bois, quoiqu’elles ne soient pas d’une même essence. Le commentaire rapporte ces mots au ciel et à la terre. Au reste, je ne serais pas étonné qu’il existât quelque rapport mystique entre le ciel et la terre, et ces deux pièces de l’aranî, l’une supérieure, l’autre inférieure.