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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

10. Oui, (la fille) de Dakcha, Ilâ[1], te reçoit, enfant de la Force, élu du monde, brillant Agni, avide (de nos libations).

11. Les sages, adorateurs (d’Agni), au sein du sacrifice, allument et nourrissent les feux de celui qui fait mouvoir (le monde), et précipite les eaux.

12. Je chante le sage et puissant Agni, l’enfant[2] des Mets (sacrés), qui brille et dans le sacrifice et dans le ciel.

13. Il s’enflamme, ce généreux Agni, (dieu) éclatant, adorable, digne de nos louanges, ennemi des ténèbres.

14. Le magnifique Agni, tel qu’un coursier (rapide), lance ses rayons, et transporte les dieux. Les (hommes) l’honorent par leurs holocaustes et leurs hymnes.

15. Chargés de présents, ô généreux Agni, nous allumons les feux resplendissants d’un (dieu) libéral en ses bienfaits[3].


HYMNE XXII.

À Agni, par Viswâmitra.

(Mètres : Gâyatrî, Ouchnih, Trichtoubh et Djagatî.)

1. Agni, (nommé) Djâtavédas, reçois avec plaisir nos offrandes et nos holocaustes du matin, ô (Dieu) qui récompenses la prière.

2. Pour toi, Agni, l’offrande a été clarifiée, et préparée soigneusement ; (Dieu) toujours jeune, reçois-la avec plaisir.

3. Ô Agni, prends cette offrande consacrée par nos invocations, et composée ce matin. Tu es le fils de la Force, siégeant dans le sacrifice.

4. Sage Djâtavédas, dans le milieu du jour, reçois avec plaisir notre hommage. Agni, tu es grand ; les prêtres par leurs œuvres élèvent ta fortune.

5. Agni, fils de la Force, dans le troisième sacrifice[4] aime notre offrande consacrée par la prière. Au milieu des dieux immortels, éveillé par nos louanges, accepte nos libations précieuses.

6. Agni, possesseur de tous les biens, développe tes feux, et reçois avec plaisir et notre invocation et notre offrande composée ce matin.


HYMNE XXIII.

À Agni, par Viswâmitra.

(Mètres : Anouchtoubh, Djagatî et Trichtoubh.)

1. Voici le moment d’agiter (l’Aranî), le moment d’enfanter (Agni). Apporte la reine du peuple[5] et, suivant l’antique usage, travaillons à produire (son fils).

2. Le (dieu) qui possède tous les biens est dans les deux pièces de l’Aranî ; il y est comme l’embryon au sein de sa mère, cet Agni que, chaque jour, les enfants de Manou, en s’éveillant, doivent honorer avec l’hymne et l’holocauste.

3. (Prêtre) intelligent, pousse (la pièce supérieure) dans la pièce inférieure ; et qu’à l’instant (l’Aranî) fécondée enfante (le dieu) qui remplit tous les vœux. (Cependant) reçue sur une poignée (de feuilles), l’étincelle rougeâtre a brillé, et le fils d’Ilâ[6] a paru sur le foyer.

4. Ô Agni, possesseur de tous les biens, nous te plaçons sur le sein d’Ilâ[7], sur le trône de terre, pour te charger de nos holocaustes.

  1. Ce mot doit ici signifier terre. Voy. page 204, col. 1, note 1.
  2. Le mot sanscrit est napât, qui veut dire petit-fils ; et à ce sujet le commentaire donne au dieu Agni une généalogie singulière. De la nourriture sacrée (Annam) naît l’oblation (Ahouti) ; de l’oblation, Aditya ; d’Aditya, Agni. Il est d’autres généalogies différemment présentées, mais tout aussi arbitrairement.
  3. Ce vers renferme le mot vrichan répété trois fois. C’est un ornement de style dans cette langue.
  4. Cette espèce de sacrifice porte le nom de Savana. Il y en a trois, le matin, à midi et le soir.
  5. Vispati. Agni s’appelle aussi Vispani, protecteur du peuple. L’Aranî, sa mère, peut bien porter le même nom. Voyez page 47, col. 1, note 2 ; page 57, col. 1, note 4 ; et page 147, col. 1, note 7.
  6. C’est-à-dire de la terre, dont se compose le foyer, Agni, siégeant sur ce foyer, est appelé enfant de la terre. Voy. page 204, col. 1, notes 1 et 3.
  7. Ilâpadé, ou Ilâyâhpadé. Le commentaire donne, comme synonyme de ce mot, Gopadé, qui littéralement se traduirait par pied de vache. Ilâ (terre) prendrait le même sens du mot go (vache) : car nous avons vu (page 44, col. 1, note 7) que ce mot go s’emploie pour tout ce qui donne un avantage, pour la chose qui fournit une espèce de lait. La terre est donc une vache, et, avec cette explication, le mot go peut remplacer le mot Ilâ. Mais l’imagination du commentateur, dans l’union des mots go et pada, perd de vue le côté métaphorique, et ne trouve ici que le sens matériel, en sorte que le mot Ilâpadé, il le traduit par cette idée, ayant la forme d’un pied de vache (Gopadaroûpé). Je ne sais pas si l’Outtaravêdi, qui recevait le feu du sacrifice, avait réellement quelque rapport avec le pied de la vache. Je pense que le mot pada doit être ramené au sens de place, station, établissement, ou, si pada doit conserver le sens de pied, je serais porté à traduire nâbhô ilâpadé par le foyer au pied de terre. Cependant j’ai cru aussi que le poëte avait voulu personnifier la terre sous le nom d’Ilâ ; et c’est ce qui m’a déterminé dans la traduction que j’ai donnée. À cette occasion j’exprimerai timidement une idée qui m’est particulière : il me semble avoir reconnu dans quelques parties du mythe d’Agni celui de Bacchus. Dans la circonstance présente, Agni au sein d’Ilâ, n’est-ce pas Bacchus dans les bras de Proserpine ?