Page:Langlois - Rig Véda.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[Lect. I.]
347
RIG-VÉDA. — SECTION CINQUIÈME.

5. Le carquois (d’Agni) est le père d’un grand nombre de flèches ; ses enfants résonnent en se heurtant contre leurs frères. Le carquois, attaché sur le dos (d’Agni), produit une troupe retentissante qui lui assure le triomphe.

6. Assis sur son char[1], l’excellent écuyer pousse en avant ses coursiers dans la direction qui lui convient. Sa pensée mesure la longueur des rênes, qui modèrent leur ardeur.

7. Les coursiers s’élancent avec les chars ; de leurs sabots féconds[2] jaillit la lumière ; ils rendent mille bruits sourds, et de leurs pieds de devant foulent et terrassent leurs ennemis.

8. L’holocauste est porté sur son char ; là, où nous apercevons son arc et sa cuirasse, venons chaque jour nous asseoir ; et près de ce char fortuné déployons notre zèle.

9. Les Pitris (ou pères d’Agni)[3] sont assemblés pour recevoir l’offrande et la douce (libation) ; entourés des mortifications de la pénitence et de la puissance des rites, grands et profonds, vainqueurs et invulnérables, doués d’une force parfaite, environnés d’une troupe (de rayons), et fameux par la vigueur de leurs traits.

10. Ces Pitris sont enfants de prêtres[4], et honorés par le soma. Ô Ciel et Terre, (dieux) bienfaisants, soyez-nous propices ! Que, grandi par le sacrifice, Poûchan nous protége contre le mal ! Que le méchant ne devienne jamais notre maître !

11. La flèche (d’Agni), garnie d’une plume éclatante, (ressemble) à l’animal des bois qui menace de sa corne. La flamme, qui enfante (ces flèches), est comme la vache attachée avec ses veaux. Dans le lieu où s’empressent à la fois les divers ministres (du sacrifice), que les flèches (d’Agni) s’élancent pour notre protection !

12. Ô (flèche) aiguë, protége-nous de tout côté, et couvre nos corps. Que Soma soit notre maître, qu’Aditi nous donne le bonheur !

13. (Agni a aussi ses coursiers), dont (les prêtres) frappent et la tête et la croupe. Directeur de ces sages coursiers, excite-les dans leurs nobles ébats[5].

14. Comme un serpent enveloppe le bras de son corps, (l’arc) avec sa corde entoure la flèche, et appuyé sur le bras, il porte des coups sûrs. Que les flèches intelligentes s’unissent en un faisceau vigoureux et protecteur.

15. La flèche a une tête de fer, et sa pointe arrache des soupirs. Honneur et adoration à la flèche divine qui va semer les nuages[6] !

16. Ô (Flèche) meurtrière, aiguisée par la Prière sainte, pars avec vigueur. Va attaquer nos ennemis, et ne nous livre pas à leur haine.

17. Dans l’endroit où ces flèches se pressent toutes à la fois, telles que de jeunes héros à l’aigrette (éclatante), que Brahmanaspati, qu’Aditi nous accorde son secours ; oui, qu’elle nous accorde chaque jour son secours.

18. (Ô Agni), je couvre tes nerfs d’une cuirasse[7] ; que le royal Soma vienne te revêtir de son ambroisie. Que Varouna augmente ta grandeur ; que les Dévas, ô (dieu) vainqueur, te jettent dans une (sainte) ivresse.

19. Que notre ennemi, qu’il soit notre parent ou un étranger, soit poursuivi par tous les dieux. Que la Prière sainte soit pour moi une cuirasse.


HYMNE XV.
À Agni, par Vasichtha.
(Mètres : Virât et Trichtoubh[8].)

1. Les prêtres ont enfanté l’illustre Agni ; leurs mains ont extrait du sein de l’Aranî ce (dieu) nouveau-venu, ce maître de maison qui fait briller au loin ses rayons.

2. (Les ministres du sacrifice, appelés) Vasous[9], ont dans sa demeure établi le resplendis-

  1. Nous savons que le char d’un dieu, c’est le feu du sacrifice, comme ses chevaux, ce sont les rayons qui jaillissent du feu.
  2. Le texte porte le mot pâni, qui veut dire main ; et nous avons vu que ce mot, quand il s’agissait d’une divinité resplendissante, était synonyme de rayon. Comme il est ici question de coursiers, le mot sabot remplace le mot main.
  3. Ces Pitris, dit le commentaire, sont les gardiens du char ; il ne donne pas d’autre explication. Section I, lecture vii, hymne xii, il est aussi fait mention de Pitris, que le commentateur confond avec les Pitris Agnichwâttas. Je pense qu’ici, comme dans le passage cité, les Pitris sont les Feux (Agnayah), pères d’Agni, allumés par la piété des prêtres, et par conséquent considérés comme leurs enfants. Le mot brâhmana signifie fils du brahman, du prêtre. Les Pitris pourraient être aussi les Dévas Angiras et autres, regardés comme les Pères de quelques-uns des prêtres.
  4. Voy. la note précédente.
  5. Il est évident qu’il est ici question des flammes du sacrifice, produites et dirigées par le prêtre.
  6. Pardjanyarétas, épithète donnée au rayon d’Agni, qui pompe l’eau dont est formé le nuage.
  7. C’est la libation jetée sur le corps d’Agni.
  8. Un manuscrit intercale ici un chapitre qui n’est qu’un index des vargas de la première lecture.
  9. Ce mot signifie qui consolide, qui établit. C’est le nom que l’on donne à une classe de divinités. C’est plutôt une classe de prêtres, comme nous l’avons vu établi pour les Marouts, les Angiras, etc.