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Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/190

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face, sur la rive opposée. C’est là que quelques vaillants chrétiens attendaient le P. Jacques pour le conduire à la capitale, où il devait se cacher plus aisément qu’ailleurs.

Séoul, en effet, est une ville immense, où les habitants sont inconnus les uns aux autres, et où personne, à moins de motifs particuliers, ne s’occupe de rechercher la condition et la qualité de ses voisins. Il était donc plus facile au prêtre d’aller s’y cacher, à quelques pas du palais royal et presque sous la griffe même des satellites, que de se retirer dans un petit village isolé où sa sûreté personnelle aurait dépendu de la discrétion d’une foule de gens qui l’auraient eu bientôt connu. Son audace n’était donc que de la prudence.

Une maison avait été préparée à l’avance pour le bon prêtre, dont le courage et le zèle ravissaient d’admiration tous les chrétiens. Sa présence réconforta le petit troupeau à tel point, que, bravant tous les dangers, une multitude de néophytes s’approchèrent des sacrements. Heureux de posséder un prêtre au milieu d’eux, afin de jouir du bienfait de son ministère, ils oublièrent même les précautions que la prudence conseillait. Le P. Tsiou, afin d’être plus utile aux ignorants comme aux savants, se mit avec ardeur à l’étude du coréen, qui est la seule langue connue du peuple et, au bout de trois mois, il pouvait déjà confesser et prêcher suffisamment bien.

Le jour de Pâques 1795 fut un jour de joie bien vive pour les néophytes. Le P. Jacques avait revêtu son plus bel ornement, et, sur un bien modeste autel sans doute, il offrit le saint sacrifice en présence des principaux chrétiens. Pour la première fois, le sang très pur de Jésus-Christ était offert sur cette terre infidèle !

Comme à cette occasion le prêtre avait préparé à faire leur première communion quelques fidèles, la nouvelle de cette touchante cérémonie excita dans le cœur des autres une pieuse jalousie. L’affluence augmenta de jour en jour dans la maison qui lui servait de retraite, et l’on s’empressa même de lui amener de nouveaux catéchumènes qui désiraient le baptême. Quant à lui, peu encore au courant des dangers de sa situation et entraîné par