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Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/193

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Telle était donc la retraite où la persécution avait contraint le P. Tsiou de fuir. Instruit par l’expérience, il tint ses démarches plus secrètes, au point qu’ll n’y avait guère que la courageuse Colombe Kang qui connût où il se rendait. Peu à peu il fut oublié, et un grand nombre de chrétiens éloignés de la capitale ignoraient sa présence en Corée. Dans ses visites à des familles dévouées, tous n’étaient même pas admis à le voir, et personne ne parlait jamais de ces visites. Bien qu’il fût obligé de fuir la lumière et de rester inconnu à ses ouailles, la présence du P. Jacques Tsiou avait des résultats extraordinaires. Les chefs de famille se sentaient soutenus et, à leur tour, encourageaient les autres chrétiens. Dans sa solitude il écrivait des instructions que les catéchistes lisaient avec beaucoup de fruit dans les réunions. Puis il composa ou traduisit du chinois en coréen des livres de prières et d’explications de la religion, où sa foi et son zèle se peignaient vivement.

Quant il crut le moment favorable, il sortit de sa cachette et avec les plus grandes précautions passa dans des districts plus éloignés. En dépit de la persécution, un grand nombre d’infidèles reçurent le baptême et parmi eux quelques-uns de haute naissance.

Il y avait alors à l’île de Kang-hoa, non loin de Séoul, un royal exilé, le frère même du roi régnant Tsieng-tsong. Son fils avait été mis à mort sous prétexte de rébellion. Toute la famille aurait dû, selon la loi coréenne, être anéantie. Mais, suivant encore en cette circonstance la douceur naturelle de son caractère, le roi se contenta d’exiler son frère, sa femme et sa belle-fille dans un palais de cette île. Le malheur avait préparé les âmes des deux princesses, et ce fut avec joie qu’elles entendirent parler de cette religion qui promet à tous ses enfants des couronnes immortelles. Dans une de ces visites, le P. Tsiou les baptisa ainsi que plusieurs de leurs servantes. Il y prolongea son séjour d’autant plus volontiers que l’isolement de ce palais lui offrait une certaine sécurité. Par des conversations fréquentes, dans ces visites il sut animer ces pieuses princesses et leurs suivantes d’un tel zèle pour la religion qu’il en fit autant d’apôtres. Le prince exilé, bien qu’il ne voulait point recevoir le baptême, voyait cependant le prêtre volon-