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impossible un plus long séjour en Corée. La police le recherchait avec activité, et à son occasion elle opérait de nombreuses arrestations, suivies d’affreuses tortures pour les victimes. Il se décida à repasser pour un temps la frontière chinoise, afin de laisser l’orage s’apaiser peu à peu. Il partit donc et arriva à Li-tsiou, en face de Pien-men, la ville chinoise. Puis, sur le point de franchir le fleuve, éclairé sans doute par une inspiration soudaine, il rebroussa chemin et rentra à Séoul, résigné à tout événement.

La courageuse chrétienne qui avait été jusque-là sa providence venait d’être mise en prison avec tous ceux de sa maison. Une pauvre esclave, vaincue par les tortures, finit par déclarer tout ce qu’elle savait, et donna sur le prêtre les indications les plus détaillées. Les recherches furent multipliées, et le signalement du P. Tsiou envoyé jusque dans les provinces les plus éloignées, avec promesse de fortes récompenses à quiconque le livrerait. Dès lors, tout était perdu.

Un matin, à peine la cloche donnait-elle le signal qu’on pouvait circuler dans les rues, que le P. Tsiou quitta sa retraite sans dire où il allait. Il renvoya même, d’un geste de son éventail, un chrétien qui le suivait. Quelques moments après, il se présentait au Kuem-pou, la grande prison destinée aux criminels d’État.

« C’est moi, dit-il en s’adressant aux satellites qui étaient à la porte, qui suis cet étranger, ce chef de la religion, que vous recherchez vainement dans tout le royaume. Il paraît vraiment qu’il n’y a pas un seul homme habile parmi vous, puisque jusqu’à présent on n’a pas encore pu me prendre ! »

Les soldats furent bien surpris d’une pareille audace. Tout joyeux d’une si facile capture, ils le chargèrent de chaînes et le conduisirent devant le mandarin.

« Pourquoi, lui demanda celui-ci, êtes-vous venu en Corée ?

— Grand mandarin, je n’ai eu qu’une pensée en y entrant : prêcher la vraie religion et sauver les âmes de ce pauvre peuple. »

Le juge le questionna ensuite sur les endroits où il avait séjourné et sur les personnes qu’il avait fréquentées. Mais ce fut