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— Quel est ton nom ?

— François. »

André le considère un instant, le reconnaît et lui dit qui il est. Alors il apprend à la hâte les tristes nouvelles de la persécution : l’évêque et ses deux prêtres sont morts ; plus de deux cents chrétiens ont souffert le martyre ; son propre père a été décapité, sa mère est réduite à la mendicité ; le père de Thomas Tsoï, son condisciple, est mort sous les coups, et sa mère a eu la tête tranchée. Enfin le courrier lui remet à la dérobée les lettres de Mgr Imbert et de ses deux missionnaires écrites peu de jours avant leur martyre, ainsi qu’une lettre des chrétiens demandant de nouveau des prêtres. Tout émus, les deux amis d’un instant se disent un dernier adieu, et André suit des yeux François, qui rejoint la caravane et disparaît bientôt avec elle à l’horizon.

Demeuré seul, il se mit à réfléchir sur ces affreuses nouvelles, et, voyant que personne n’était venu cette année au-devant du missionnaire, il résolut d’essayer de passer seul la frontière et d’aller tout préparer pour introduire M. Maistre.

C’était un cœur intrépide que celui d’André Kim, porté par goût aux entreprises les plus téméraires. Son courage, sa persévérance et sa confiance en Dieu au milieu des difficultés le rendirent, malgré sa jeunesse, l’auxiliaire le plus dévoué des missionnaires dans leurs travaux. Quand il s’agissait du service de ces prêtres qu’il regardait comme des pères, rien ne lui coûtait, rien ne lui paraissait impossible, et il se jetait sans calculer au milieu des plus grands dangers.

Muni d’une provision de viande salée et d’une centaine de taëls cachés dans la doublure de ses habits de mendiant, il se dirigea vers Ei-tsiou, première ville de la frontière de Corée. Après avoir franchi ces plaines de neige toute une journée, il arriva le soir sous les murs de la ville. Son dessein était de couper un fagot de bois, de le charger sur ses épaules et d’entrer ainsi dans la ville sans exciter les soupçons. Hélas ! il avait oublié son couteau à Pien-men. Sans se décourager, il imagina aussitôt un autre plan, qu’il raconte lui-même en ces termes :

« Appuyé, dit-il, sur la miséricorde de Dieu et la protection de