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Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/211

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l’affaire sougraine

ne soupçonnait point, elle voyait bien qu’il y avait quelque chose d’insolite dans cette obstination du sauvage à revenir sans cesse dans une maison où on le connaissait à peine. Elle ne songeait pas à scruter ce secret, et elle serait demeurée indifférente à ce qui se passait autour d’elle, si le hasard, ce terrible instrument de la providence qui y voit plus clair que nous, n’était venu lui montrer un abime où pouvaient rouler, d’une minute à l’autre, les personnes qui lui tenaient lieu de père et de mère.

De retour de sa promenade, se rendant à sa chambre, elle passa devant la salle à manger dont la porte était fermée. Une voix suppliante frappa son oreille. C’était la voix de sa mère.

— Je t’en supplie, disait-elle, ne trahis point notre secret. Va-t-en pour ne plus jamais revenir…

Étonnée, elle s’arrêta instinctivement.

— L’indien veut encore de l’argent, dit une autre voix, une voix d’homme.

— Je n’en ai plus : je ne trouve plus personne qui veuille m’en prêter.

— Je resterai.

— Sougraine, je t’en conjure, ne me perds point… Au nom de notre ancien amour ! Pour le bonheur de notre fille !…