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Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/222

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l’affaire sougraine

Il montra un rouleau de billets de banque.

La Longue Chevelure le regarda tout surpris.

— Je ne te croyais pas si riche, Langue Muette lui dit-il…

— Riche et heureux !… On n’a pas dit le dernier mot.

La Langue muette, grisé par le vin, par la satisfaction d’avoir extorqué une bonne poignée de dollars et le bonheur d’avoir retrouvé, dans une position fort honorable, un enfant qu’il n’avait jamais connu, s’abandonnait aux délices du moment. De taciturne qu’il avait été il devenait jovial, de méfiant il se faisait expansif. La Longue Chevelure suivait avec une certaine curiosité les phases de son ivresse. L’homme qui boit perd tout contrôle sur lui-même et devient indiscret. Il ne voit plus les choses telles qu’elles sont, mais transformées de mille façons selon les caprices de son imagination ou l’humeur de son caractère. Il se croit plus fort et plus roué que tous les hommes ensemble et ne craint plus de les provoquer. Il se vante et ne souffre pas qu’on le mette en parallèle avec d’autres. Ce qu’il fait, nul ne le ferait mieux, ce qu’il ne fait pas, on aurait tort de le tenter. Il trahit souvent ceux