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Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/305

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l’affaire sougraine

reprit, en forme de maxime, le gros notaire qui arrivait tout essoufflé.

Et il échangea avec Sougraine un regard mystérieux.

La balle était entrée en plein corps un peu au-dessus de la hanche. Le sioux, malgré la douleur que lui faisait éprouver sa blessure, n’avait pas perdu connaissance. On le coucha bien enveloppé dans de chaudes couvertures de laine, sur des branches molles au-dessous d’un arbre épais qui lui faisait un excellent abri, en attendant la traîne aux provisions sur laquelle on le mettrait pour le ramener aux plus prochaines habitations.

Le caribou gisait à quelques pas plus loin. Quand les chasseurs l’entourèrent il voulut se lever pour fuir encore, mais sa tête retomba sur la neige ensanglantée, et ses grands yeux doux s’arrêtèrent sur eux pleins de larmes. Qui peut deviner à quoi songe la bête, au moment où elle se sent expirer sous les coups de l’homme ? Ne pouvant raisonner sa douleur, ni s’en expliquer la cause, elle doit en souffrir davantage. L’homme, parfois, domine par la force de sa volonté, les souffrances qui le tuent. Sa pensée l’emporte dans une région supérieure. L’esprit impose silence à la matière.