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Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/395

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l’affaire sougraine

— Le fils de l’accusé ! ce mot s’échappa de toutes les bouches… Ce fut un murmure sourd qui couvrit un instant la parole des avocats.

— Nous demeurions, il y a vingt trois ans, à Notre-Dame-des-Anges. La famille se composait de mon père, de ma mère, de mon frère et de moi-même. Nous sommes partis de là avant l’hiver, en canot, suivant le cours de la rivière. Nous nous rendîmes à Ste Anne, sur la grève, et de là à St. Jean Deschaillons. Là, mon père et ma mère se battirent. C’était le soir, sur le bord de l’eau. C’est mon père qui commença la querelle. Il voulait avoir son capot que ma mère avait mis sur ses épaules pour se garantir du froid. Il battit la défunte à coups de poings et d’aviron et la jeta à terre dans les branches. Ma mère lui demandait de ne pas la tuer et elle pleurait. La querelle a bien duré une heure. Le prisonnier lança aussi des pierres à ma mère. Elle paraissait souffrir beaucoup. J’ai vu du sang sur elle… Nous sommes partis pour traverser le fleuve, mon père, mon frère et moi… ma mère est demeurée sur la grève. Mon père ne voulut pas la laisser embarquer. Il la menaça avec une branche. Après notre départ elle est restée assise sur le sable et elle pleurait. Dans la traversée mon