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l’affaire sougraine

plainte, sauf le frémissement léger des tiges de foin sec qui s’emmêlaient dans leur bercement.

Les deux voyageurs s’arrêtèrent au bord d’une fontaine, allumèrent du feu avec l’herbe aride et firent rôtir une tranche de bison, mets délicieux de ces sauvages endroits.

— Les montagnes n’approchent pas vite, commença l’indien, et si tu ne marches plus, va, le soleil se lèvera deux fois sur la prairie avant qu’on dorme sous les grands arbres.

— Je suis épuisée, répondit sa compagne.

— Il faut accoutumer tes pieds aux longues marches, Elmire, car l’homme de la forêt ne s’arrête guère. Et puis l’on a bien fait de mettre un long espace entre le Saint-Laurent et nous. On informe, on fait des recherches là-bas peut-être.

— Le souvenir de ta femme me poursuit sans cesse comme un remords, Sougraine. Tu n’aurais pas dû l’abandonner, cette malheureuse, par le temps qu’il faisait, seule, sur la grève de St Jean. Elle ne serait peut-être pas morte.

— Elle voulait mourir ; tu sais, elle le disait ; seulement, va ! l’indien ne se pardonnera jamais l’imprudence qu’il a faite en laissant au cadavre la corde qui lui servait de ceinture.