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l’affaire sougraine

Rodolphe et Léontine se laissaient emporter aux accords de l’entraînante musique, et les yeux dans les yeux, cœur contre cœur, ils tourbillonnaient comme des flocons de neige au souffle de la tempête. Ils vinrent s’asseoir l’un près de l’autre, portant vaillamment le poids de tous les regards.

Madame D’Aucheron cherchait une occasion d’aborder sa fille pour lui rappeler que le ministre était là.

Plusieurs d’entre les messieurs passèrent dans le fumoir. D’autres s’assirent aux tables de cartes.

L’on se mit à discourir sur toutes sortes de sujets, mais la politique finit par tout absorber. La politique, c’est une éponge qui boit bien. Le ministre était entouré.

Il discourait avec l’aplomb que donne l’ignorance entée sur la vanité, et maints sots l’approuvaient. Les puissants n’ont-ils pas toujours raison ?

Comment, si jeune et sans fortune, était-il devenu ministre ? Un accident. La constitution permet cela. Il avait de la langue et du toupet, fausse monnaie très en vogue et que des gens sensés même ont la faiblesse d’accepter. Il se vantait de tout savoir et le monde, qui est igno-