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Page:LeMay - Picounoc le maudit (2 tomes en 1 volume), 1878.djvu/46

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PICOUNOC LE MAUDIT.

changement, et rien ne pouvait la lui expliquer. Nul souvenir, nulle parole, nulle action, ne revenait à sa mémoire qui put jeter quelque lumière sur ce mystère. Et elle souffrait en silence.

N’osant parler, elle redoublait d’attentions pour son mari. Lui, il demeurait impassible. Il s’efforçait de le paraître plutôt, mais il ne l’était point ; car, en face de tant d’amour, son cœur se fondait, ses résolutions se trouvaient ébranlées, sa fermeté chancelait, et, plus d’une fois, il fut sur le point d’ouvrir ses bras et de serrer sur son âme trop soupçonneuse, cette femme aimante et douce qu’il avait juré d’aimer et de protéger toujours. Mais qui peut imaginer tout ce qui vient à l’idée d’un homme jaloux ? Et qui peut délivrer une âme qui s’est donnée au démon de la jalousie ? Joseph pensait : C’est peut-être pour mieux me tromper qu’elle feint de m’aimer davantage… attendons. Et il attendait. Et chaque jour Picounoc ravive à dessein la blessure mortelle qu’il a faite au cœur de son ami. Et déjà il a ourdi une trame horrible : le crime ne lui répugne point : le mal semble son élément. Il arrange les fils de sa trame, en fumant tranquillement sa