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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/117

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Elle conçut du mépris pour les jeunes gens, décida de se renfermer en elle-même, où d’ailleurs elle pouvait n’être jamais seule.

Elle étudiait avec ardeur. Tout le temps qu’elle passait dans sa chambre, elle lisait. Sully Prud’homme, Samain, Louis Mercier, la comtesse de Noailles, Verlaine, Nelligan, Lozeau lui apportaient leurs gerbes de délices. Elle apprenait par cœur des arts poétiques, des manuels de versification, et elle tentait ensuite d’exprimer ses sentiments subtils, son amour de la nature, de la solitude, du rêve.

Elle ne s’ennuyait pas. Comment s’ennuyer si l’on applique toutes ses forces à un but ? Elle se ferait peut-être un jour une réputation de grande poétesse ; en attendant, elle travaillait dans l’ombre, le mystère, sans avoir besoin d’encouragement, sans faire de confidence. Son exaltation intérieure la soutenait. Souvent, elle s’étonnait, se souvenant du cours de l’Université, de ces études littéraires entreprises par amour pour Poupon Rose. Ce consciencieux professeur avait maintes fois manifesté son enthousiasme pour les poètes qu’il commentait, mais s’était-il douté qu’il allumait ainsi parmi ses élèves une lampe qui jamais plus ne s’éteindrait ? Claire le sentait, elle aurait toujours la poésie pour sœur, pour amie ; l’important pour elle dans la vie, ce sera toujours