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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/232

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ï 2301 LA PLUS BELLE

Jean qu’elle n’aimait que par pitié. Jean qu’elle n’aimait plus. Elle butait par moment sur ces mots. Aimer n’était-ce pas pour elle uniquement la recherche d’un bonheur égoiste ? Si Guy lui apprenait qu’il devait la quitter pour être vraiment heureux, consentirait-elle de bon cœur à ce bonheur sans elle ? Désirait-on vraiment le bonheur de ceux que l’on prétendait aimer ? Non, on ne souhaitait que sa propre félicité, tous les sentiments cachaient de l’égoïsme. Quand le moi cessait d’être satisfait, le sentiment basculait, et* tombait.

Mais tentation douloureuse, Jean était le moins égoïste des hommes ; Jean seul comprendrait ; et malheureux mais résigné, il pardonnerait. Il aimerait assez ; Lucette pour contribuer à son bonheur, au détriment du sien. Aucune rancœur ne viendrait gâter leurs relations. Jean dirait : «C’est la vie, il faut bien se soumettre». Tout serait ensuite tristesse mêlée de douceur et d’attendrissement. Mais quand elle se représentait cette scène, la joie de sa liberté reconquise jaillissait trop haut. Son aveu lui semblait de nouveau une tentation qu’il fallait repousser ; mieux valait continuer de souffrir en silence, en éclairant autant que possible l’existence si terne du malade.