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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/82

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

contraient, formant éventail. L’eau peu profonde luisait glauque, lumineuse. Des moules en grappes, du bleu foncé des raisins murs, se tassaient dans les anfractuosités de ce roc gris ardoise qui continue sous la mer, le mont qui se dresse au soleil. Des oursins, des crabes que la vague avait rejetés gisaient parmi les varechs.

Au quai des Robin, les pêcheurs venaient de rentrer, et sur les tables maculées de sang, éventraient les morues énormes, jetaient les têtes sur le sable. Des gamins s’en emparaient et d’un couteau agile, enlevaient les langues qu’ils iraient vendre aux hôtels. Les goélands si beaux cessaient d’être des oiseaux de rêve, et rapaces, poussant des cris, se précipitaient affamés sur l’amas des détritus sanglants.

Et cependant, vu d’un peu loin, quel spectacle plus émouvant que celui de cette multitude de blancs oiseaux, les ailes claquantes, volant, s’abattant en nuée dans un éblouissant tumulte.

Lucette admirait aussi les galets multicolores et Pierre essayait de découvrir pour elle quelque agate bien striée et scintillante.

Mais il leur fallut à la fin se hâter. Autrement, ils manqueraient finalement le bain, délice qui enchantait d’avance Lucette. Et ravie, vibrante, doutant toujours de la réalité, elle écoutait le chant continu de la vague.