prononcées comme en un livre. Mais, hélas, les impressions même d’un aussi jeune bonheur sont fugaces.
Mots, gestes, paysages, surgissent dans sa mémoire, puis s’évanouissent brusquement. Ils ressemblent à ces songes que l’on essaie le matin de reconstituer et qui n’offrent que des fragments décousus, casse-tête impossible à déchiffrer. À peine retrouve-t-elle le regard qu’elle aime tant. C’est si doux, pourtant, quand elle y parvient, de fermer les yeux et de voir près d’elle Steven, tel qu’il s’est montré pendant de brèves minutes émouvantes.
Elle soupire ! Après tout, la vie n’est peut-être pas gaie ! Elle craint parfois l’avenir. Elle se promet bien de le modeler à son gré ; mais pourquoi les gens, la trentaine passée, sont-ils si souvent sans enthousiasme ? Pourquoi accueillent-ils avec une moue ironique tous vos projets ? Pourquoi semblent-ils douter de tant de choses ?
Comme minuit sonne, sans transition, elle se retrouve joyeuse. Demain s’est rapproché ; demain il y aura cette promenade en canot, et un long tête-à-tête avec son ami. Qu’importe le passé, même l’avenir, puisqu’elle tient le présent ?