Aller au contenu

Page:Le Destin tragique de Guy de Maupassant (extrait La Trahison de la comtesse de Rhune), 1927.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et de l’amour que j’ai pour l’autre, et le respect,

L’estime dont chacun se pâme à son aspect ;

Mais il m’est odieux surtout parce qu’il m’aime.

Sa tendresse m’emplit d’un dégoût de moi-même.

L’exaspération que j’en ai me poursuit

Tout le jour et me hante encor toute la nuit.

Avec un homme aimé, douce est la servitude,

Son vouloir vous devient une chère habitude ;

Mais lorsqu’on hait cet homme auquel on appartient,

Qu’on n’est plus qu’une chair à lui, son corps, son bien,

Que tout ce qu’il vous dit vous parait un outrage,

A force d’en souffrir, il se peut qu’on enrage.

Alors, ainsi que fait un chien baveux qui mord,

Vos paroles, vos yeux, vos mains jettent la mort ;

Et ce soir, quand il mit sa peau contre ma bouche,

J’espérai ce pouvoir de tuer qui me touche ;

Et son corps a frémi sous mon baiser rendu,

Tant il a bien senti que je l’avais mordu.


SUZANNE D’ÉGLOU

Mais Valderose, en qui votre rage se fie,

Faut-il que cette haine aussi le sacrifie ?

Êtes-vous donc sans cœur, sans pitié, sans pardon ?

Car lui vous aime enfin, madame ; êtes-vous donc