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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/269

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ERNEST LEGOUVÉ.



LES DEUX HIRONDELLES DE CHEMINÉE




Hier, à mon logis par le froid ramené,
J’inaugurais l’hiver dans l’âtre abandonné,
Lorsque par le foyer, au milieu d’un bruit d’ailes,
La bise m’apporta ces deux voix d’hirondelles :

« Ma fille, il faut partir : précurseurs de l’hiver,
Des bandes de vanneaux, ce matin, fendaient l’air,
Et du haut de ce frêne, à la cime effeuillée,
A retenti trois fois notre cri d’assemblée.
Cependant sur ton nid tu demeures encor :
Appelle tes petits, ma fille, et prends l’essor !

— Je dois rester.

                              — Non, viens ! la première colonne
Par avance déjà se groupe et s’échelonne ;
Le moment du départ est fixé pour ce soir ;
Car tu sais que la nuit, sous son grand manteau noir,
Peut seule à tous les yeux dérober notre fuite,
Et des oiseaux de proie égarer la poursuite.

— Ô ma mère ! ta fille, hélas ! ne partira
Ni ce soir, ni demain, ni le jour qui suivra.

— Pourquoi donc ?

                              — Dans le nid où tu m’as élevée