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THÉOPHILE GAUTIER.


Là, fiers de leur longue souffrance,
Reconnaissants des maux subis,
Ils sentent le cœur de la France
Battre sous leurs pauvres habits.

Aussi les pleurs trempent le rire
En voyant ce saint carnaval,
Cette mascarade d’empire,
Passer comme un matin de bal ;

Et l’aigle de la grande armée,
Dans le ciel qu’emplit son essor,
Du fond d’une gloire enflammée
Étend sur eux ses ailes d’or.


______



L’OBÉLISQUE DE PARIS




Sur cette place je m’ennuie,
Obélisque dépareillé ;
Neige, givre, bruine ou pluie
Glacent mon flanc déjà rouillé ;

Et ma vieille aiguille, rougie
Aux fournaises d’un ciel de feu,
Prend des pâleurs de nostalgie
Dans cet air qui n’est jamais bleu.

Devant les colosses moroses
Et les pylônes de Luxor,
Près de mon frère aux teintes roses
Que ne suis-je debout encor,