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Page:Les Soirées de Médan.djvu/162

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bours parcourent les rues, battant la générale, de Belleville à Montmartre. Il a réuni ses officiers, tous sont là, ils écoutent. Avec lui, ils sont d’accord que tout a été fait de ce qu’on pouvait faire, ils jugent aussi que des discours suffiraient sans doute à calmer l’effervescence de la population. On propose d’afficher une nouvelle proclamation, et longtemps, dans la grande salle des séances, à l’hôtel de l’état-major, une plume a grincé, courant sur le papier. Au dehors, l’obscurité augmente. De lointaines clameurs, des sonneries de clairon que domine le retentissant : Aux armes citoyens du refrain de la Marseillaise, traversent l’air plein d’humidité, et battant un instant les carreaux tremblants dans leur rainure de mastic, viennent mourir au milieu de la salle pleine d’ombre.

L’homme chamarré qui vient d’écrire, relève la tête. Il demande une lampe, et haussant l’abat-jour, il tousse légèrement, parle de sa responsabilité personnelle. Puis, prenant une à une les feuilles de son manuscrit qu’il numérote avec soin, il dit :

— Ainsi messieurs, voici ce que je propose de faire afficher dans Paris.

Le général s’accoude, et lentement, détaillant ses phrases, soignant ses intonations, détachant les mots comme un acteur, il lit un long discours dans lequel il explique les sages raisons de ses temporisations, exalte ses retards, énumère les difficultés sans nombre, les chances possibles de la résistance. Quand il parle d’espoir, de succès définitif, de triomphe futur, un léger sourire d’ironie plisse sa lèvre moustachue. Devant lui, autour d’une grande table, l’état-major, par politesse ou reste inconscient de discipline,