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Page:Les Soirées de Médan.djvu/188

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l’occasion de voir arriver dans leurs baraquements et dans leurs bivouacs une voiture qui levait toutes les consignes. Le cocher disait un mot, et quand la sentinelle hésitait, par la portière, une petite main frémissante et bien gantée tendait un laisser-passer devant lequel tombaient les résistances et reculaient les disciplines. Mme de Pahauën descendait : un instant, entre elle et l’état-major, c’était un échange de saluts, de politesses. Elle minaudait, sans doute faisait à la faveur de son sourire des demandes impossibles, car les fronts des militaires se ridaient d’impatience soudainement rembrunis et des mains coupaient l’air, sèchement, tandis que les képis, sur les têtes, remuaient de gauche à droite avec des insistances de refus. Mais la même petite main fouillait dans les poches de la robe, en tirait un mince portefeuille d’où un petit papier sortait et où il rentrait aussitôt. Alors les difficultés semblaient aplanies, la discussion continuait plus calme et comme indifférente, jusqu’au moment où, amené par un planton envoyé exprès, quelque simple soldat, ou chasseur à pied ou mobile, arrivait très gêné, et rougissant un peu sous la visière de son képi, saluait ses chefs. Mme de Pahauën lui sautait au cou, l’appelait son fils, l’embrassait avec un débordement de maternité, une exagération de tendresse. Un instant après, au milieu des fusillades, des crachements de mitrailleuses, du tintamarre meurtrier des avant-postes qu’on attaque, la voiture levant toujours les consignes d’un mot de son cocher, d’un geste de sa propriétaire, emportait vers Paris Mme de Pahauën, dont les jambes, sous la couverture, serraient d’une étreinte passionnée le pantalon d’ordonnance de son amant momentané. Der-