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Page:Les Soirées de Médan.djvu/218

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vingt-quatre heures. Tous se répètent, et pourtant, quand un marchand passe criant : — Demandez les dernières nouvelles, les détails précis sur la sortie, — des têtes apparaissent aux fenêtres des maisons ensuairées de brume, des appels retentissent, des femmes, des enfants descendent, donnent leur sou, et, debout dans la rue, lisent la feuille imprimée, fiévreusement. La feuille redit ce qu’a conté la feuille précédente, reproduit les mêmes renseignements, copie les mêmes dépêches, et cependant, tout à l’heure encore, on se pressera à la porte des mairies, quêtant sous le grillage en fer où l’on colle les placards administratifs, l’aumône d’on ne sait quoi d’officiel qui serait une nouvelle. L’espoir a tellement abandonné les cœurs, qu’on ne compte plus sur l’annonce d’un succès : on demande seulement un changement d’ennui.

L’enthousiasme s’abat, les élans faiblissent, la ville apathique fait machinalement son métier militaire. À la longue la garde nationale s’est lassée de cette dépense de bonne volonté et d’efforts qui toujours ont été inutiles. Paris cependant continue à résister par la toute-puissance de la force d’inertie. Une agitation quasi somnambulesque emplit les rues : les clairons sonnent, les gardes se montent, on relève les sentinelles, les canons tonnent, mais sans résultat, sans intérêt, automatiquement et par habitude.

L’abandon, la courbature morale de la ville ont gagné jusqu’au général en chef. Ses proclamations jadis si nombreuses sont devenues plus rares ; jadis si verbeuses, si dogmatiquement prolixes, elles sont devenues brèves et concises, extraordinairement. Sa