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Page:Les Soirées de Médan.djvu/236

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lits, et ils attendaient, la mine sérieuse. On entendait grésiller la chandelle en train de se consumer sous le plafond, à un des angles de la planche à pain. Sa longue flamme jaune inondait de lueurs dansantes et affadies les murs blanchis à la chaux, les piles d’effets bien pliés au-dessus de la grande étagère en sapin, les sacs de toile goudronnée dont quelques-uns traînaient sur des lits, pareils à des bêtes éventrées. Calés dans leur râtelier, les fusils alignés dormaient dans une ombre trouble, sans un éclair.

— Verdier, vous pouvez commencer l’appel, dit le lieutenant.

C’était un jeune homme pâle, presque imberbe, avec des bottes qui lui montaient aux genoux. Quand il avança vers le milieu de la chambre, son sabre contre ses mollets, produisit un cliquetis clair.

— Pruvost ! cria le caporal.

— …sent, répondit Pruvost.

— Lefèvre !

— Présent.

— Gaillardin !

— …sent ! »

L’appel continua. Aussitôt nommés, les hommes répondaient, et dans le calme de la pièce, la dissemblance des voix était très sensible.

— Joliot ! cria Verdier… Joliot ! répéta-t-il.

Personne ne broncha. Joliot était absent. Le lieutenant demanda :

— Personne ne l’a vu ?… On ne sait pas où il est ?

La chambrée se taisant, il se tourna vers le sergent-major.

— Marquez Joliot manquant.

Puis, quand le petit bruit aigre du crayon sur le