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Page:Les Soirées de Médan.djvu/250

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III


Les premiers qui débouchèrent sur la place d’armes, une trentaine d’hommes à peu près, entraînèrent à leur suite la sentinelle de la grille. D’ailleurs, elle faisait partie de la chambrée du soldat mort. L’habitude de la discipline était cause que l’escouade, malgré tout, marchait sans un cri, presque en bon ordre. Une atmosphère jaune tombait de l’aurore en fusion, traversant des vapeurs transparentes, un peu au-dessus de la solitude des toits. Mille nuées d’or, les unes bordées de cuivre, les autres étendues en une placidité compacte, d’autres encore gonflées, prêtes à s’éventrer, avaient accaparé le ciel. La grande place sablonneuse scintillait avec un rutilement pâle. On avait l’air d’avancer sur des cendres, au fond d’un gigantesque foyer plat, dans un encaissement de fournaise prête à s’éteindre. Les ailes de la caserne et les maisons bâties autour de la place semblaient avoir été chauffées à blanc. Assez loin, dominant un mur, une rangée de jeunes arbres, grâce à ses menues branches, à ses dernières feuilles, donnait l’illusion d’une envolée de sauterelles. Par deux rues visibles, dont la plus large fuyait jusqu’aux