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LES SOIRÉES DE MÉDAN

Dominique ne l’entendait pas. Une balle lui entama l’épaule, une autre lui contusionna le bras. Et il tirait toujours.

Il y eut deux nouveaux morts. Les matelas, déchiquetés, ne bouchaient plus les fenêtres. Une dernière décharge semblait devoir emporter le moulin. La position n’était plus tenable. Cependant, l’officier répétait :

— Tenez bon… Encore une demi-heure.

Maintenant, il comptait les minutes. Il avait promis à ses chefs d’arrêter l’ennemi là jusqu’au soir, et il n’aurait pas reculé d’une semelle avant l’heure qu’il avait fixée pour la retraite. Il gardait son air aimable, souriait à Françoise, afin de la rassurer. Lui-même venait de ramasser le fusil d’un soldat mort et faisait le coup de feu.

Il n’y avait plus que quatre soldats dans la salle. Les Prussiens se montraient en masse sur l’autre bord de la Morelle, et il était évident qu’ils allaient passer la rivière d’un moment à l’autre. Quelques minutes s’écoulèrent encore. Le capitaine s’entêtait, ne voulait pas donner l’ordre de la retraite, lorsqu’un sergent accourut, en disant :

— Ils sont sur la route, ils vont nous prendre par derrière.

Les Prussiens devaient avoir trouvé le pont. Le capitaine tira sa montre.

— Encore cinq minutes, dit-il. Ils ne seront pas ici avant cinq minutes.

Puis, à six heures précises, il consentit enfin à faire sortir ses hommes par une petite porte qui donnait sur une ruelle. De là, ils se jetèrent dans un fossé, ils gagnèrent la forêt de Sauval. Le capitaine avait, avant