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Page:Les Soirées de Médan.djvu/56

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L’ATTAQUE DU MOULIN

exclamations gutturales. D’ailleurs, pas un coup de feu n’avait encore été tiré.

— Les Français ! les Français ! cria Françoise en battant des mains.

Elle était comme folle. Elle venait de s’échapper de l’étreinte de son père, et elle riait, les bras en l’air. Enfin, ils arrivaient donc, et ils arrivaient à temps, puisque Dominique était encore là, debout !

Un feu de peloton terrible qui éclata comme un coup de foudre à ses oreilles, la fit se retourner. L’officier venait de murmurer :

— Avant tout, réglons cette affaire.

Et, poussant lui-même Dominique contre le mur d’un hangar, il avait commandé le feu. Quand Françoise se tourna, Dominique était par terre, la poitrine trouée de douze balles.

Elle ne pleura pas, elle resta stupide. Ses yeux devinrent fixes, et elle alla s’asseoir sous le hangar, à quelques pas du corps. Elle le regardait, elle avait par moments un geste vague et enfantin de la main. Les Prussiens s’étaient emparés du père Merlier comme d’un otage.

Ce fut un beau combat. Rapidement, l’officier avait posté ses hommes, comprenant qu’il ne pouvait battre en retraite, sans se faire écraser. Autant valait-il vendre chèrement sa vie. Maintenant, c’étaient les Prussiens qui défendaient le moulin, et les Français qui l’attaquaient. La fusillade commença avec une violence inouïe. Pendant une demi-heure, elle ne cessa pas. Puis, un éclat sourd se fit entendre, et un boulet cassa une maîtresse branche de l’orme séculaire. Les Français avaient du canon. Une batterie, dressée juste au-dessus du fossé, dans lequel s’était caché Domi-