Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/21

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pour entrer dans une contrée montagneuse, et bientôt la vallée de Beït-Djibrin, où nous comptons passer la nuit, s’ouvre devant nous.

Vraie vallée de la Terre Promise, où « coulent le lait et le miel ». Elle est verte, d’un vert délicieux de printemps, de prairie de mai, entre ses collines, que des oliviers vigoureux et superbes recouvrent d’un autre vert, magnifiquement sombre. On y marche sur l’épaisseur des herbages, parmi les anémones rouges, les iris violets et les cyclamens roses. Elle est remplie d’un parfum de fleurs et, au centre, miroite un petit lac où boivent à cette heure des moutons et des chèvres.

Sur l’une des collines, est posé le vieux petit village arabe où l’on ramène pour la nuit des troupeaux innombrables ; tandis que l’on dresse notre camp, sur l’herbe haute et fleurie, c’est devant nous un défilé sans fin de bœufs et de moutons, qui montent s’enfermer là, derrière des murs de terre, et que conduisent des bergers en longue robe et en turban, pareils à des saints ou à des prophètes ; des petits enfants suivent, portant avec tendresse dans leurs bras des agneaux nouveau-nés. Les dernières vont s’engouffrer entre les étroites rues de boue séchée, plusieurs centaines de chèvres noires, qui cheminent en masse compacte, comme une longue