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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/165

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çons ! Flaubert se transforme en pédagogue. Il honore la poésie, mais il pense que la prose est plus difficile et qu’il est salutaire de s’y essayer. Il secoue Maupassant comme Napoléon remuait les grenadiers à qui il voulait du bien :

    de-Suif est la seule qui ait songé à prendre des provisions et qui porte un panier bien garni. La faim, qui fait sortir les loups du bois, fait aussi sortir nos bourgeois et nos hobereaux de leur caractère et de leur dignité. On essaie de frayer avec la pestiférée de tantôt ; on tourne autour d’elle : et, comme c’est une bonne fille, la voilà qui partage son panier avec tout le monde.

    « Mais voici le nœud de la situation. L’officier allemand, qui commande dans la petite ville, refuse de viser les passeports et de laisser partir la diligence, si la belle fille, dont les charmes l’ont frappé, ne vient le lui demander elle-même, dans sa chambre. Indignation de Boule-de-Suif, qui a cependant les amours faciles, mais pas internationales, et qui a horreur des Prussiens. Cette indignation est partagée d’abord par l’honnête assistance. Et puis, on se dit qu’il faut partir : on s’étonne qu’il en coûte tant à Boule-de-Suif d’accorder à cet Allemand ce qu’elle donne libéralement à tant de Français tous les jours. Le comte de Bréville lui-même est délégué vers elle, et lui fait comprendre que, dans l’intérêt commun, elle ne doit pas créer une crise qui paraît sans issue : on lui en saura gré. Les dames s’en mêlent, et interviennent, si bien qu’elle se décide à monter l’escalier qui mène à la chambre du Prussien. Quand elle redescend, la voiture s’attelle, on part. Boule-de-Suif, qui a vu la glace se rompre après l’affaire du panier, et qui la croit rompue tout à fait, s’avance vers ces dames et ces messieurs la main tendue... Mais chacun lui tourne le dos ; on ne la