Aller au contenu

Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un bruit de pas a répondu à mon coup de cloche. La femme de chambre pousse devant moi la porte d’un petit salon décoré de tapisseries et d’étoffes orientales. Et je m’incline devant Mme de Maupassant. J’ai quelque peine, dans la pénombre, à discerner les traits de son visage qui me paraissent avoir de la ressemblance avec ceux de George Sand ; elle a le teint coloré ; ses cheveux gris sont relevés en bandeaux à la mode d’autrefois. Elle me montre, tout de suite, une bienveillance dont je suis touché.

— Vous voyez une malade qui n’a plus beaucoup de force. Mais vous êtes des amis de Guy... Soyez le bienvenu...

Elle s’exprime sur un ton d’extrême franchise, d’une voix cordiale, où résonne comme un lointain écho du parler normand. Quoiqu’elle se soit fixée, sans esprit de retour, dans le Midi, elle a gardé l’empreinte de sa province natale.

— Je vis ici, me dit-elle, parmi les souvenirs...

Et, en effet, les murs sont couverts de portraits : un dessin à la plume, de Jeanniot, très ressemblant, des photographies de l’écrivain à tous les âges. Maupassant jeune, bien portant, ayant un cou de taureau et des muscles d’Hercule ; puis le type s’affine, la figure maigrit, l’œil devient fiévreux. La maladie a fait ses ravages ; la fatale crise va éclater... Cette dernière image de l’écrivain est d’une rare noblesse[1]. Dans

    qu’elle a appris la terrible nouvelle de la mort de son fils. Un an après, environ, elle est allée à la Villa Monge où elle est morte. [A. L.].

  1. Le portrait de Maupassant que sa mère a bien voulu m’offrir, a été fait en 1891 ; il est reproduit dans ce vo-