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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/204

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de ses jolies nouvelles. Il l’avait ruminée pendant des mois. Ses ouvrages étaient des fruits qui ne se détachaient de l’arbre qu’au moment de leur complète maturité.

Les heures s’écoulent. Plusieurs fois, j’ai voulu prendre congé et l’affectueuse insistance de Mme de Maupassant m’a retenu. En parlant, elle s’est animée ; un rayon de jeunesse brille sur son visage. Cette causerie a fait revivre les jours lointains où son cher Guy lui donna tant de bonheur et de gloire.

— Voulez-vous feuilleter ses manuscrits ?

Elle m’amène devant un secrétaire d’acajou et me place sous les yeux des pages jaunies. Ce sont des lettres qui ne seront jamais publiées, des cahiers de vers calligraphiés par une plume enfantine. Je n’ose lire les lettres, mais je jette sur les vers un regard empressé. Nous les parcourons ensemble. Mme de Maupassant les explique, les commente : chaque pièce éveille en sa mémoire une foule d’impressions anciennes, qu’elle traduit avec une charmante vivacité. Il y a dans ses propos de l’enjouement, de la verve, une belle humeur qui me montre ce que dut être, avant ses malheurs, l’amie de Bouilhet et de Flaubert. Que ne puis-je prendre copie de ces morceaux, premiers essais d’un talent qui vient de naître ! Mme de Maupassant devine ma pensée. Elle ramasse les feuilles éparses et me les remet :

— Emportez tout cela. Vous me le rendrez lorsque vous aurez fini de vous en servir.