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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/223

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moins, la raison d’être nous échappe, il nous est impossible de rien savoir, de rien expliquer. Aussi bien, ce nihilisme intellectuel n’inquiète point Maupassant, qui s’en arrange le mieux du monde. Si son œuvre, étalant à nos yeux la bestialité primitive de l’homme, peut faire sur nous une impression de tristesse, nulle tristesse n’est en lui...

Aucun souci de moralité. Ni de moralité sociale... ni de moralité individuelle... Il considère évidemment la morale comme inventée par des esprits chagrins qu’avait dépravés une civilisation corruptrice. À la morale il oppose la nature...

L’amour, tel qu’il le représente, c’est l’instinct du sexe. Lui-même, après avoir tâté, sur le tard, des mondaines, revint bien vite aux bonnes filles, qui ne font point de simagrées. Rien de pervers en ses peintures amoureuses. Il peint l’amour comme il le sent, dépourvu de toute exaltation factice, réduit à un besoin naturel.

... L’art semble laisser Maupassant insensible. Nous savons du moins qu’il ne consentait jamais à parler de littérature, qu’il refusait tout entretien sur ses livres ou sur ceux des autres, qu’il restait obstinément en dehors des discussions esthétiques. Une seule fois, dans Pierre et Jean, il s’avisa d’écrire une sorte de manifeste[1]. Nous y voyons d’abord en quel mépris il tenait la critique ; et nous y voyons aussi que sa doctrine littéraire consiste à proscrire

  1. Il y a aussi l’étude sur le roman au XIXe siècle, dans la Revue de l’Exposit. Univ. de 1889, numéro de novembre. [A. L.].