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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/258

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jusqu’à la fin le disciple et le maître. Sept années durant, l’élève fut astreint à la plus étroite discipline. Dans la belle préface des Lettres à George Sand, Maupassant a fixé quelques-uns des principes d’art que lui avait inculqués le maître de Croisset. Cet enseignement ne fut pas vain. La volonté évocatrice, l’extériorisation, comme on dit aujourd’hui barbarement, et l’impassibilité, ces deux qualités maîtresses de l’artiste créateur, Maupassant, après Flaubert, les eut au plus haut degré. Ce n’est qu’en ses dernières œuvres qu’il nous apparaît plus sensible, et, pour cela peut-être, moins touchant.

« Le 8 mai 1880, le grand Flaubert meurt.

« La terre normande est féconde. À peine la mort a-t-elle abattu le vieil arbre, que repousse un surgeon vigoureux. En cette même année, Guy de Maupassant publia Boule-de-Suif et Des Vers. Ce titre fut judicieusement choisi. Ce sont en effet des vers, d’excellents vers que ceux d’Au bord de l’eau et de Vénus rustique, d’une allure aisée, construits solidement et exactement rimés ; mais ce ne sont point des vers de poète. Ce jugement, qui peut paraître sévère, est celui que Maupassant lui-même a porté sur cet unique essai. Il avait en littérature le sens critique le plus juste et le plus délicat sentiment. Boule-de-Suif est un chef-d’œuvre. L’artiste, pour son coup d’essai, sans qu’on puisse soupçonner l’effort, atteint à la maîtrise de son art. Et, coup sur coup, il donne la Maison Tellier, l’admirable Histoire d’une Fille de ferme, Mademoiselle Fifi, les Contes de la Bécasse, Une vie, celui de ses grands romans où il a mis le plus de lui-même, tout en gardant sa belle imper-