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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/281

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et l’animal, profondément. Le poil du chien et la plume des oiseaux attirent ma main : leur existence me passionne". Rappelez-vous, Messieurs, l’épisode de l’âne dans Mont-Oriol, et, dans un de ses récits de chasse, la mort volontaire, si déchirante, de la sarcelle argentée. À de certaines heures, même les arbres unissent leurs plaintes à la lamentation universelle : souvenez-vous des grandes larmes que pleurent à l’automne les grands hêtres tristes sur l’âme, la petite âme de la petite Roque !

« Mais tant de pitié n’allégeait pas sa rancœur. Vainement, fuyant sa misère, il essaya de la dépayser, de jeter entre lui et sa vision des hommes le spectacle changeant de la terre, de cette terre qu’il plaignait d’être trop petite. Après sa province natale, après la prairie et la mer normande, il se donna au charme du fleuve, au glissement de la barque qui interrompt la vie heureuse des reflets ; puis ce fut l’Auvergne, la pastorale des burons enveloppés des plis de l’herbe acide sous les basaltes noirs ; le Midi enfin, la Méditerranée, l’Esterel, l’Italie, l’Afrique, des journées arrosées de soleil où l’air est comme une caresse qui donne à la fois l’illusion et le regret du bonheur ... Et chaque étape était une nouvelle déception.

« Entre les mensonges charmants de la nature, il essaya de s’intéresser aux artifices de la vie parisienne, éprouva le néant des bavardages littéraires et des caquets esthétiques. Il fréquenta le monde et, moins indulgent que certains confrères, il le pesa à sa valeur : "Il fait, déclarait-il à un ami, des ratés de tous les savants, de tous les artistes, de tous les