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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/37

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trarié en sa vocation incomprise. Ce fut le cas de Maupassant, imitant Flaubert en cela. Mais s’il est rare qu’un homme échappe à cette petite révolte contre la province où il est né, contre la ville de son enfance, qu’il tient toujours, si grande qu’elle soit, pour une petite ville, quand la surprise enchan- teresse de Paris s’offre à lui, il est de règle aussi que plus tard (et quelquefois bientôt) il fasse amende honorable. Je ne connais guère d’écrivain qui, lassé des luttes ou des plaisirs de la vie de Paris, n’ait repris goût, parfois avec une extrême passion, aux joies plus tranquilles de la petite patrie[1]. Les nombreuses sociétés qui se sont formées, depuis quel- ques années, de provinciaux habitant Paris (la Nor- mandie a la sienne, qui s’appelle « la Pomme »), ne sont pas autre chose que l’expression de ce goût du retour à la terre natale, que nous avons tous. Maupassant le connut. Il avait raillé, parfois, ses Normands : il aimait revivre avec eux. Chaque homme a, dans son existence, le souvenir de quelque oasis où il a connu de douces heures. Cette oasis pour- rait bien avoir été, pour Maupassant, le très modeste chalet d’Étretat où je le vis si souvent. Méprisant, à cette époque, les assujettissements de la mode, peu soucieux de tenir sa place parmi les « hommes du monde », — il en avait une autre et combien plus belle, — il vivait là en campagnard et en marin. En ses longues promenades de chasse, en ses aventureuses pèches en mer, il usait sans

  1. Monsieur Fouquier oublie Henry Beyle (Stendhal), qui n’a jamais cessé de détester cordialement Grenoble.