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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/79

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Mudaison, par Lansargues (Hérault), 5 septembre 1901.

Monsieur,

Votre honorée lettre est venue me rejoindre à la campagne, d’où mon petit retard à vous répondre.

Notre ami Joseph Primoli a bien fait de penser

    Maupassant fit un jour une apparition quelque peu tapageuse. Il voulait à tout prix, le pauvre garçon, que le docteur lui fît administrer des douches extraordinairement glacées, et comme celui-ci s’y refusait avec énergie sachant que ce traitement-là tuerait son malade, le pauvre auteur du Horlà et des Contes de la bécasse s’en fut porter ailleurs son inquiétude et ses tourments. Une autre fois, c’était M. Saint-Saëns qui, dans un incognito que tout le monde s’efforçait de respecter, fuyait du salon aussitôt que menaçait de sévir le fâcheux piano. Un jour, cependant, l’illustre compositeur s’amadoua. Une exquise cantatrice, Mme K..., avait dit - tenez, c’était par une belle soirée semblable à celle-ci - les strophes ardentes de « Dalila ». L’auteur n’y tint pas ; il accourut avec effusion remercier la cantatrice.

    « Marc-Monnier a placé ici le cadre d’une de ses plus exquises nouvelles, le Dossier de Raimbaud ; je lisais celle-ci tout à l’heure. Vous y trouverez mainte jolie page décrivant les sites, les paysages des environs, les levers de soleil derrière le Salève, les couchants vers le Jura, où le soleil qui descend répand chaque jour et à chaque heure des prodigalités nouvelles ; il le peint en or du haut en bas, le crépit en larges bandes noires et jaunes, allume au sommet des feux de joie, embrase la vallée de Monnetier qui ressemble à un cratère en éruption, puis éteint l’incendie, adoucit les escarpements, les caresse avec amour de cendre fine, et voilà dans les fentes,